Le carnaval des pieds a repris son grand cirque
Ça martèle à tout va sur les pavés humides
ou les revêtements onéreux des grands-rues
Ça déverse des gens, des jacquots et des grues
et tout ça pour qu'existe
le mépris souverain d'un monde réaliste
pour les choses artistes :
geste
regard
verbe
ou l'arpège fiévreux de l'accordéoniste
(qui m'encombre
mais que j'apprécie mieux que les hymnes de l'Ombre)
Voyez, ce soir encore en gare Saint-Lazare
chargé comme un mulet déboulant de l'Isar
je croisai une dame, allez, comme un poteau
(un obstacle ? un boulet ? un genre d'escargot
en guenilles ?)
allant prendre mon train comme un troufion sa quille
Elle était sur ma route et ça m'emmerdait presque
quand je réalisai soudain tout le grotesque
de la situation :
Elle monte
Je descends
après moi, excitée, toute une talonnade
me poussant à me joindre à cette bousculade
dans le flot
de ceux qui se comportent comme des salauds
Je l'évite, c'est un fait
mais sans plus d'attention pour ce qu'elle portait
bien en chair
ancré comme on marquait autrefois les sorcières
de l'opprobre
que jettent les idiots, hypocritement sobres
sur l'étrange
la surprise
à force d' « attention ! » et de « qu'on se le dise...! »
Bêtise ! et j'y cédai...
en tirant après moi ma charge vers le quai
abruti de vacarme
Cependant une larme est née de ce conflit
J'en savoure l'alarme et la dépose ici
en confiance
que de ces mots l'esprit touche votre conscience
tandis que par les rues reprend le carnaval
des semelles têtues ne songeant pas à mal.
tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK
Illustration d'en-tête extraite de Grands Reporters, dessin de Yann Le BECHEC
Illustration de bas de page : dessin de Pessin, publié sur Le(s) suiveur(s) de choses
ci-contre : solidarité sdf, le site