Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

À ville hautaine, marée haute

Si hautaine soit-elle
avec ses gratte-ciels plantés sur la colline
ou ses filles perchées sur leur gouaille mutine
ou ces préciosités roulant des mécaniques cylindrées
la ville est à genou
quand elle touche au front la mer et ses humeurs

Son port est tricoté comme un vieux débardeur
aux mailles relâchées à l'arrondi du col
Là-haut, sous la nuée, tous les fous en rigolent
et ça grince à l'oreille
quand il faut renoncer à griller au soleil
les graisses citadines
- tant le climat d'ici se dérobe à plaisir
  aux vains prétentions de pouvoir en prédire
  les caprices
  et passe allègrement de l'idylle au supplice

Et ces vents qui disputent !
Les pontons s'en défient comme les vieilles putes
ou l'Albert
qui perdit la moitié de son nom en mer

La ville est à genou, mais ne sait pas plier
Elle ignore les fous, méprise la marée,
  redore ses crépis de façade;
  aux fins d'agrémenter ses longues promenades
  savante un adéquat revêtement urbain
  (bourgeois n'en pestera pas moins contre le chien, sa crotte,
   et cette heure damnée où il a la bougeotte)
Puis quand les éléments lui auront donné tort
elle en appellera aux Deniers du Trésor
qu'on rehausse les murs
pour qu'y soit affiché "Pacte Contre Nature"

Son port a fricoté avec le naturel
- ce, dès les premiers temps de son tout premier nom
  quand les toits faisaient luire une rougeur de tuile
  devant la flaque d'huile
  sous un soleil de plomb;
  aussi quand s'écharpait le vent sur la presqu'île
  affolant des jupons sur les sables de l'anse
  et ruinant le commerce;
  cependant, sur le port où étaient mis en perce
  les fûts de bière ambrée ou de vins liquoreux
  on restait philosophe :
  aucune catastrophe, aucune canicule,
  n'entameraient jamais l'ardeur aventurière
  ni cet humble et profond respect des gens de mer
  pour "ce coquin de sort" qui fait danser les vagues;
tandis que vers les terres
la bourgoise recule
depuis les ponts glissants, on se frappe la panse
en pissant dans les algues
un bon peu d'hydromel

Et l'Albert !
Cambré, dos à la mer
entre les cuisses molles de la ville hautaine
ne prend pas la mesure des vents de la plaine
quand il brandit son doigt, depuis l'embarcadère
et braille : " Oh ! Ville vile et crâne !
La moitié amputée qu'il reste de mon nom te condamne !"
Pis qu'un phare !  Et le phare lui fait
  cet air illuminé qui couronne les fous
  capables d'envolées, libres, si loin de tout

Quand monte la marée, la ville est à genou.

tiniak - Ruades © 2010 DUKOU ZUMIN &ditions TwalesK

Lien permanent Catégories : °ruades° 0 commentaire

Les commentaires sont fermés.